Un paese di Calabria (Shu Aiello, Catherine Catella, 2017)
par Elisabeth Boyer
Partant de deux sculptures grecques en bronze du Vème siècle avant J.-C. découvertes il y a quarante ans non loin du rivage de Riace en Italie, et de la voix off d’une Italienne exilée en France ayant fui la misère des lieux en 1931, le film dispose le présent complexe et vivant d’un village qui a commencé à renaître en 1998, le jour où l’embarcation à moitié brisée de 300 Kurdes fuyant la guerre finit son voyage sur cette plage. Baïram, un des jeunes gens des quelques 200 rescapés, dira en peu de mots la vision de ceux que la mer a engloutis.
Nous découvrons peu à peu les nouveaux et les anciens habitants, leurs paroles, leurs vies présentes ensemble, jusqu’aux peintures murales où ils exposent leur lutte contre la N’drangheta (la mafia) et surtout leur choix absolu, en acte, d’une population cosmopolite. Sur l’Histoire et les histoires, il s’agit de re-penser fondamentalement l’idée de l’immigration, de l’envisager comme une caractéristique humaine de toujours. Riace n’est pas montré comme un lieu idéal où tous vont s’attacher définitivement – ce que certains ont décidé et décideront encore –, mais pour tous un lieu véritable d’accueil et d’apprentissage, de transition pour la continuation d’autres voyages. Village exemplaire, maintenant imité par d’autres.
Le maire, personnage remarquable, intransigeant, raconte comment enfant il prit conscience d’une inégalité, d’une injustice inacceptable sur la question. Et comment aujourd’hui, si la mafia est un danger réel, il ne cède pas aux actes d’intimidation. De même que nous sommes tous, plus que jamais, dans une époque de choix, de décisions fondamentales, qui dépendent non seulement de notre bien, mais du bien de chacun.