P. Risterucci, Les yeux sans visage, Yellow Now, 2011.
Souvent considéré comme l’unique film d’épouvante français, Les Yeux sans visage raconte une effroyable histoire de visages volés et greffés. Mais sans l’habituel attirail de l’horreur : ni sang, ni cris, le docteur n’est pas fou et sa fille théâtralement masquée erre dans la maison, vêtue de féeriques robes moirées. Le quotidien se dérègle imperceptiblement, l’espace devient labyrinthique, les objets paraissent vivre, les voitures sont des personnages. Georges Franju crée un univers insolite où la peur rôde partout.
Sous la fable d’épouvante, il est question d’autres choses. D’un père trop aimant, d’un ordre social étouffant. Et du cinéma lui-même, de son enfance, de sa capacité à terrifier, de ce qu’il fait des corps et des visages. Toutes les faces de Franju sont dans ces Yeux sans visage, le cinéphile archéologue, le révolté, le surréaliste… et surtout le poète, menant une méditation mélancolique sur le cinéma comme art du deuil, à partir du visage d’Edith Scob, sa muse.