L. Véray, Forfaiture de Cecil B. DeMille, PUL, 2021.
Forfaiture (The Cheat en version originale) de Cecil B. DeMille met en scène un collectionneur japonais (interprété par Sessue Hayakawa) très attiré par une jeune femme frivole et dépensière (Fanny Ward). Celle-ci dilapide en bourse une forte somme d’argent et emprunte le montant perdu à son richissime ami, qui espère ainsi gagner ses faveurs. Mais la jeune femme se refuse à lui et le dandy outragé se venge en imprimant son cachet brûlant sur l’épaule de l’héroïne en une scène devenue mythique.
Lorsque Forfaiture sort en 1916 sur les écrans français, l’engouement, tant du public que de la critique, est foudroyant, notamment grâce à sa mise en scène sans commune mesure avec les productions contemporaines. L’usage du clair-obscur, les gros plans, si rares à l’époque, le jeu tout en retenue de Sessue Hayakawa font effectivement de Forfaiture une œuvre novatrice qui donne une grammaire au jeune langage cinématographique. L’écrivaine Colette et le critique Louis Delluc, entre autres, soulignent l’audace et le bon goût de cette réalisation qu’ils perçoivent telle une première initiation à "la cinégraphie américaine" et surtout comme le début d’une prise de conscience des immenses potentialités de l’art cinématographique.
Laurent Véray se penche donc particulièrement sur la réception de Forfaiture en France et sur l’influence considérable que le film a eu sur les générations suivantes, au gré des ressorties, des multiples adaptations au théâtre, à l’opéra, en littérature, et dont le remake de Marcel L’Herbier en 1937 constitue le point d’orgue. Bien sûr, l’auteur n’omet pas d’inclure à son essai une analyse formelle et richement illustrée, qui permet de prendre conscience de toute la virtuosité du film de Cecil B. DeMille.