S. Pierre-Ulmann, Frontière Chinoise de John Ford, Yellow Now, 2014.
Frontière chinoise (7 Women, 1966) est le dernier film de fiction de John Ford (1894-1973). Il a choisi d’y porter un ensemble de figures féminines au rang de protagonistes, haussant l’une d’entre elles jusqu’au statut héroïque du sacrifice de sa propre personne (le docteur Cartwright, qu’interprète magnifiquement Anne Bancroft). L’action se concentre dans le lieu unique d’une mission à la frontière nord de la Chine en 1935, où tout arrive : le salut par la médecine (le choléra maîtrisé, la femme accouchée pour la suite du monde, la violence détournée par le sacrifice du médecin), tandis que se manifeste cette double hantise américaine du Nord dont John Ford a mille fois figuré l’imagination de danger et de drame, comme ruine de l’âme au-dedans et menace du dehors : puritanisme et barbarie, en miroir, interactivement funestes. Le fil conducteur de cet essai relève d’une longue passion pour l’œuvre de Ford, qui s’est déclarée sans doute en 1966 à la première vision de ce grand film nocturne, et pourtant si lumineux.