V. O. Freeburg, L’Art de faire des films, édition critique de M. Polirsztok, Classiques Garnier, 2021.
"Ô toi, lecteur du divin ordinaire, et moi, souvent déçus par les films, avons juré que plus jamais nous n’irions au cinéma. Mais aussitôt..." C’est l’interpellation de Victor O. Freeburg, dans l’avant-propos de son livre, ses écrits pionniers sur l’art du cinéma, nés d’une classe d’écriture de scénario, donnée à l’université de Columbia entre 1915 et 1917 (The Art of Photoplay Making, paru en 1918). Ainsi, "le livre est aussi vivant des tensions qui le traversent", indique Marion Polirsztok dans sa préface à cette première traduction en français. Nous pouvons y saisir la force, la fraîcheur des hypothèses audacieuses de Freeburg dans ses classes, ouvertes aux publics les plus divers, "immigrés, femmes au foyer...".
Marion Polirsztok situe d’une façon très documentée les écrits de Freeburg par rapport à ses contemporains, à d’autres pionniers l’ayant même devancé, tel le poète Vachel Lindsay, tous impliqués comme Freeburg dans la pratique d’autres arts, et comme eux passionnés par cet art du cinéma, qui doit tant aux autres arts, mais s’invente unique sous leurs yeux. L’éloge de Lindsay pour l’enseignement de Freeburg est superbe.
Marion Polirsztok expose les lignes directrices du livre (résumées en quatrième de couverture) : "L’auteur envisage son enseignement comme une pédagogie de l’art, au centre de laquelle on trouve la notion de composition cinématographique appliquée aux images fixes et mobiles. Il aborde également la psychologie du public, la place de l’imagination, le recours au symbolisme, l’utilisation des décors naturels ou encore l’attrait du drame et la question d’une dramaturgie pour le nouvel art. Il affirme ainsi la dimension artistique du cinéma." Elle enrichit sa traduction de notes précieuses. L’écriture est limpide, précise, enjouée, aussi nous vivons et pensons avec bonheur l’émergence, la découverte de cet art, dans une intelligence à portée universelle.
Le livre oriente, appelle à reconnaître la beauté des films, à repérer dans l’abondance de la production ceux qui satisfont nos exigences pour finalement contraindre l’industrie même à notre bon goût (la doxa commerciale, la tyrannie des entrées, n’est pas fatale). Freeburg convie le public à se constituer tel, à œuvrer à la pérennité des œuvres, c’est-à-dire à développer la cinéphilie, à créer des clubs.
Freeburg a raison : c’est notre travail. Ce qui nous ravit, c’est la contemporanéité des hypothèses, des propositions, des interrogations, posées il y a cent ans.
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